Pierre Degand, entrepreneur dans l’âme, débuta avec sa première affaire à 14 ans à Knokke-le-Zout puis il enchaîne avec une deuxième à 19 ans pour finalement se dédier à sa plus belle création à 28 ans, son ambassade du beau et de l’excellence masculine: la Maison Degand.
Pierre Degand investit les lieux de ce qui allait devenir la Maison Degand en faisant l’acquisition de cet immeuble en ruine dont personne ne voulait et, petit à petit, avec beaucoup d’humilité, il agrandit la partie principale en lui annexant une boutique de souliers (ou les Maisons Edward Green, John Lobb, Pierre Corthay, Tod’s etc. sont représentées), le boudoir de Roberto Ricetti (chemisier sur mesure) et le restaurant Emily géré par sa fille Emily.
Pierre Degand a suivi sa philosophie obsessionnelle jusqu’au bout en faisant en sorte que l’écrin soit aussi beau que le contenu dans ses moindres détails.
Il nous accueille dans son bureau pour nous présenter son travail, évoquant le changement des habitudes de consommation depuis l’industrialisation. Son analyse est complètement en phase avec la ligne éditoriale de Gentleman Chemistry : une croisade contre le branding et le mauvais goût.
Mme. Degand
Inside Emily Restaurant
Pierre Degand: La plupart des boutiques de prêt-à-porter sont devenues impersonnelles, privées de leur âme, la carence s’étend au professionnalisme des équipes de vente (embauchées pour leur physique) sans une vraie connaissance de l’adn produit – le terme « vendeur » à mes yeux, prend une connotation péjorative, expliquée par leur manque de conseils.
Aujourd’hui dans le prêt-à-vêtir, on invente un produit, son nom, son histoire et sa fragrance d’ambiance sans savoir où, comment et par qui il a été fait. Le client peut investir dans un produit sans même le toucher, rassuré par l’étiquette choisie. Je m’oppose de façon catégorique à cette habitude de consommation en proposant une alternative. Ici on ne vend pas des marques. On vend des labels, on propose de la qualité et un savoir-faire. Quand un client entre dans ma boutique et qu’il dit « je regarde juste », je ne comprends pas, c’est comme s’il n’osait pas déranger. Pour moi, au contraire, quand vous rentrez dans mon magasin il faut déranger, parce que vous regardez mais vous ne savez pas tout ce qu’il y a derrière tel ou tel produit. Il faut parler, vous ne pouvez pas juste acheter une étiquette en demandant combien ça coûte!?
Il n’y a plus de passion et d’amour du produit dans ce métier. Depuis quelques temps, tout est tiré par le bas avec le fast fashion. Il y a une multitude de fabrications qui sont arrivées sur le marché et qui déboussolent le client parce que l’on a de tout et n’importe quoi et à n’importe quel prix. Le consommateur n’a plus de repères et achète au meilleur prix sans regarder la qualité. Aujourd’hui les produits sont jetables et cela s’applique à tout. L’achat de vêtements, mais aussi dans les relations humaines. J’appelle cela des « relations kleenex ».
Heureusement, j’ai pu conserver un clientèle fidèle et reconnaissante qui m’encourage à faire ce que je fais depuis plus de 40 ans, heureuse de me montrer comment ont pu vieillir avec eux les acquisitions réalisées dans le passé. Je me dis, quand je vois ça, que j’ai pu atteindre mon objectif de la culture du beau. G.C.
Pierre Degand 415, Avenue Louise 1050 Bruxelles
3 commentaires sur “Pierre Degand, le dernier vendeur d’articles de luxe et accessoires masculins”